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Corine Eyraud, Les données chiffrées en sciences sociales. Du matériau brut à la compréhension des phénomènes sociaux

Frédérique Giraud
Les données chiffrées en sciences sociales
Corine Eyraud, Les données chiffrées en sciences sociales. Du matériau brut à la compréhension des phénomènes sociaux, Armand Colin, coll. « cursus. sociologie », 2008, 221 p., EAN : 9782200347307.
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Texte intégral

1C'est une logique pédagogique qui anime la conception de l'ouvrage Les données chiffrées en sciences sociales. Logique de découverte des problèmes que pose l'utilisation des statistiques, à travers l'initiation aux méthodes de calculs, la mise en place d'un vocabulaire statistique et démographique de base, et l'apprentissage de la lecture et de l'interprétation de tableaux. Il s'agit à la fois de proposer des éléments pour apprendre à lire de façon critique les statistiques et de parer à leur utilisation incontrôlée dans le débat public.

2Le premier chapitre est consacré à la définition d'un vocabulaire initial pour la prise en main de statistiques : tableau en effectifs, variables qualitatives et nominales, modalités d'une variable, variations absolues et variations relatives...Il permet d'aborder un certain nombre de questions fondamentales : comment comparer des effectifs ou des pourcentages, comment parler de la différence entre pourcentages, comment changer de base ?... L'exercice un qui accompagne le "cours", permet de donner des éléments de méthode pour le choix et le calcul d'une population de référence. L'enquête « Emploi » de l'INSEE réalisée en mars 1998 donne un effectif de jeunes (16-25 ans) au chômage de 793 000 : à quelle population de référence pertinente peut-on rapporter ce chiffre ? A la population résidant en France ? À la population de 16-25 ans ? À la population active des 16-25 ans ? L'explicitation des différents choix possibles, faux ou plus ou moins pertinents permet d'attirer l'attention sur des erreurs fréquentes.

3Le second chapitre se centre sur la lecture et l'interprétation de tableaux statistiques. Là encore, c'est l'occasion de poser un certain nombre de définitions : tableaux simples, tableaux à une, deux colonnes, tableaux à double entrée, tableaux de contingence, tris croisés... Corine Eyraud prend le soin de rappeler des fondamentaux : une relation statistique constatée entre deux variables n'est pas obligatoirement une relation statistique avérée, elle peut faire entrer en jeu, une troisième variable, dont il faut démêler l'effet propre. L'exemple des inégalités sociales devant l'école est utilisé pour introduire à l'analyse multivariée.

4A travers une réflexion sur la réussite scolaire et la démocratisation de l'enseignement, le troisième chapitre aborde plus en détail le traitement des variables quantitatives, grâce à l'initiation aux indicateurs transversaux et longitudinaux. Corine Eyraud pose la question de la pertinence méthodologique de la manière dont le débat sur la démocratisation scolaire est mis en œuvre le plus souvent : est-il suffisant d'appréhender le milieu social, par la seule PCS du père ?, est-il pertinent de ne retenir que l'évolution de la situation des enfants de cadres et des enfants d'ouvriers, deux catégories « extrêmes » dont la comparaison tend à amplifier la mesure des inégalités ? Quid de la prise en compte des effets de structure ...

5Le quatrième chapitre sert de pont entre la première et la seconde partie de l'ouvrage. Corine Eyraud y propose de récapituler et de formaliser les enjeux soulevés autour de l'utilisation des statistiques depuis le début de l'ouvrage : les calculs réalisés et les données chiffrées auxquels ils donnent accès dépendent des questions posées, la moyenne peut cacher des différences de situation importantes, toute donnée statistique n'a de sens que comparée à une autre donnée statistique... L'auteure développe ensuite de façon très détaillées et pédagogique plusieurs exemples. Quels sont les indicateurs retenus pour mesurer le PIB et que fait-on des indicateurs alternatifs tels que l'indice de développement humain, l'indice de bien-être économique ? Quelles sont les différentes mesures du chômage et quels sont leurs points de recouvrement ? Quels chiffres utilise-t-on pour mesurer la délinquance ? L'auteure rappelle que les chiffres du chômage et ceux de la délinquance sont l'objet d'enjeux politiques majeurs et que seule une lecture attentive permet de déceler les différences existant entre les différents indicateurs. En ce qui concerne les chiffres de la délinquance, on peut rappeler que les chiffres officiels diffusés par les médias sont des statistiques administratives élaborées par la police. A côté des mesures fournies par la police, d'autres chiffres permettent de prendre la mesure de ce que ces données recouvrent : statistiques judiciaires, statistiques pénitentiaires... Or, les faits enregistrés par les forces de l'ordre ne sont pas une mesure exacte de la délinquance : en effet, plus la police est active, plus les crimes et délits recensés sont importants. D'autre part, la définition des crimes et délits change au fil du temps. Le cinquième chapitre vise, quant à lui, à fournir les outils pour apprendre à construire un objet de recherche : il s'agit en premier lieu d'évacuer les prénotions, et, de recourir à une définition provisoire de l'objet. Les exemples de la « violence à l'école » et des « violences envers les femmes » sont mobilisés comme exemples. La deuxième partie du chapitre cinq vise à apprendre à construire des données pour prendre en charge un objet de recherche. Ce dernier chapitre perd peut-être en pertinence par sa position dans l'ouvrage, il aurait été mieux situé en première partie.

6Cet ouvrage qui appartient à la collection U chez Armand Colin s'adresse tout autant aux étudiants en sciences humaines et sociales, à la faculté, en écoles de commerce, qu'à tous ceux qui préparent des concours, afin d'éviter les chausse-trapes d'une utilisation non raisonnée des statistiques. Les enseignants de SES sauront également y trouver de quoi alimenter des TD d'initiation à la lecture de données chiffrées, pour leurs cours de seconde, première et terminale. Un manuel de base donc, qui vaut avant tout par sa clarté, ses démonstrations pas à pas et les exercices corrigés qu'il propose. Au final, son objectif de promouvoir une utilisation des statistiques la plus rigoureuse et la plus heuristique possible est bel et bien tenu.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédérique Giraud, « Corine Eyraud, Les données chiffrées en sciences sociales. Du matériau brut à la compréhension des phénomènes sociaux », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 04 novembre 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/812 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.812

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Rédacteur

Frédérique Giraud

Allocataire-monitrice à l’ENS de Lyon, doctorante au Centre Max Weber, équipe DPCS (Dispositions, Pouvoirs, Cultures, Socialisations). Frédérique Giraud est rédactrice en chef de Lectures.

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