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Sophie Devineau, Sophie Devineau, Roland Pfefferkorn, Alain Bihr, Pierre Aïach, Justice sociale

Lydie Chartier
Justice sociale
« Justice sociale », Innovations et Sociétés, n° 4, 2009, 105 p., L'Harmattan, EAN : 9782296092495.
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Texte intégral

1Ce petit ouvrage composé de différentes contributions, intéressera les étudiants et les enseignants mais aussi tous ceux qui dans le cadre professionnel, associatif, ou personnel peuvent avoir besoin d'approches diverses et complètes sur cette question pour les aider à nourrir une réflexion en profitant de l'avancée des recherches universitaires sur ce thème. Les contributions, de 15 à 20 pages chacune, peuvent être consultées indépendamment les unes des autres, ce qui laisse au lecteur une grande liberté d'approche. Ce petit ouvrage contribue à nous convaincre que la notion de justice sociale est bien au cœur du fonctionnement de notre société. Les contributions de qualité sont d'une lecture abordable par des non spécialistes.

2La présentation de Sophie Devineau précise l'importance de la question de la justice sociale, la façon dont elle détermine le fonctionnement de nos sociétés et témoigne de nos choix pour l'avenir. La question de la justice sociale est aux croisements de diverses disciplines. Elle intéresse les économistes, les sociologues, les historiens, les politiques...Le débat s'organise autour de deux paradigmes opposés. Le premier discours s'accompagne d'une conception unitaire d'une société sans classes, exclusivement régulée par la méritocratie. Le deuxième discours s'appuie sur la démonstration d'une société de classes qui s'oppose à l'approche en termes de « moyennisation » ou d' « uniformisation ». La préoccupation de « justice sociale » est aujourd'hui au cœur des débats citoyens et de l'action politique. Les auteurs sont tous des spécialistes dans leurs champs, sociologie du travail, santé, éducation ou encore philosophie, et abordent, chacun à sa manière cette question de la justice sociale.

3Roland Pfefferkorn et Alain Bihr ouvrent la réflexion avec une définition des inégalités sociales en partant de la mesure statistique et de la représentation des inégalités. Pour eux, « l'inégalité sociale est le résultat d'une distribution inégale, au sens mathématique de l'expression, entre les membres d'une société des ressources de cette dernière, distribution inégale due aux structures mêmes de cette société et faisant naître un sentiment, légitime ou non, d'injustice au sein de ses membres ». Cette définition est construite autour de quatre éléments : inégalité sociale et inégalité mathématique, multidimensionalité et superficialité du champ des inégalités sociales, inégalités sociales, inégalités naturelles, inégalités individuelles, et inégalités infrasociales. Chacun de ces quatre éléments est précisé en soulignant leurs caractères en partie problématiques, ce qui rend discutable la notion d'inégalité sociale. Une fois cette définition précisée, le débat autour de la légitimité (ou non) des inégalités sociales est présenté. La valorisation de l'égalité formelle s'oppose à la justification des inégalités réelles avec notamment comme support le discours néolibéral qui domine aujourd'hui la scène politique et médiatique. L'inégalité peut-elle être « un mal dont peut naître un bien ? ». C'est tout le débat autour de la théorie rawlsienne qui est ici âprement discuté par les auteurs. Qu'est-ce qui est alors juste ou injuste, acceptable ou inadmissible, souhaitable ou non du point de vue de la répartition des ressources sociales entre l'ensemble des membres d'une société ? Les auteurs concluent sur une représentation de la société française segmentée, hiérarchisée et conflictuelle.

4Pierre Aïach étudie un cas particulier d'inégalités : les inégalités de santé. Il pose d'emblée le lien étroit qui existe entre inégalité sociale et justice, égalité de droit et égalité de fait. « Sans recherche d'égalité pas de justice sociale même si la justice sociale ne peut se résumer à l'égalité ». Après avoir défini et caractérisé les inégalités de santé (définitions et caractérisations qui interrogent le lecteur), P. Aïach aborde la question des inégalités de santé géographiques et entre sexes. Peut-on appeler inégalités des différences entre régions ou autres entités spatiales ? L'auteur répond plutôt par la négative, les différences étant dues en partie aux différences dans la structure de la population active et surtout à l'histoire de ces territoires et donc à leurs conditions et modes de vie. La question des inégalités de santé se constate entre les sexes - à l'avantage des femmes - mais aussi à l'intérieur de chaque groupe. Les inégalités dans le groupe des femmes sont deux fois moins importantes que dans le groupe des hommes. Les inégalités de santé occupent une place particulière dans beaucoup de pays. En France, elles sont souvent considérées comme plus insupportables et plus injustes que les autres inégalités. Longtemps considérée comme naturelle, l'inégalité devant la mort, apparait au XIXe siècle comme le résultat d'inégalités sociales. Pour l'auteur, les inégalités de santé ne sont pourtant pas plus injustes que les autres inégalités, mais elles en sont le produit synthétique.

5Alain Léger présente un autre cas d'inégalité : les inégalités d'éducation. Peut-on construire une école de la réussite pour les élèves des milieux populaires ? Il tente de répondre à cette question en trois temps : constat, causes, solutions. Le constat, en passant de Durkheim, à Bourdieu, Baudelot et Establet et plus récemment par Terrail et Meuret, n'est pas très encourageant. Concernant les causes des échecs et inégalités, pour l'auteur, elles « ne sont pas toutes du ressort de l'école », mais comment se fait-il que l'école aggrave les inégalités sociales ? Comment accepter les évaluations scolaires socialement biaisées, les choix de la « bonne école », les impacts positifs ou négatifs de l'effet maître et de l'effet établissement...sans oublier la violence scolaire et les rapports difficiles entre l'école et les familles populaires ? Les solutions : pas de « remèdes révélés », les solutions sont politiques et donc l'affaire de tous. L'apport de la sociologie permet au moins de connaître les mauvaises solutions, celles qui ont échoué, soit selon l'auteur l'école marchandise, les projets d'établissement et même la discrimination positive avec les ZEP. Pourtant des marges d'action existent pour les enseignants comme pour les politiques. L'échec et l'inégalité ne sont pas une fatalité.

6Patrick Cingolani montre la difficile rencontrée par les « précaires » à faire valoir leur droit à la justice. Il interroge la notion de justice ou plus particulièrement d'injustice à partir du travail précaire, en distinguant trois acceptions du mot précaire. Il examine les énoncés du droit et les incidences du dispositif juridique quant au collectif de travail même et quant au statut. Ce qui lui permet d'analyser la fonctionnalité et l'opérativité du travail précaire, pour terminer par en définir la violence et les conséquences. L'exemple du travail précaire dans le BTP francilien permet à l'auteur d'expliciter ce qu'il nomme la catégorie de différend - défini comme un « cas où le plaignant est dépouillé des moyens d'argumenter » - et d'illustrer les analyses présentées précédemment.

7Enfin Marie-Claude Blais interroge la notion de solidarité dans nos sociétés. « Qu'est-ce qui peut faire lien ? ». Peut-être la solidarité, qui est définie par le code Civil de 1804 comme un engagement par lequel les personnes s'obligent les unes pour les autres et chacune pour tous. La genèse du terme est plurielle et ses interprétations contradictoires. La solidarité est-elle un fait ou un idéal ? Pour quelle communauté ? Pour quel territoire d'application ? La solidarité suppose que la liberté d'un individu passe par la reconnaissance de ses liens nécessaires avec les autres membres de la communauté. On retrouve ici la notion de contrat social. Ce contrat implique la prise en charge de la dette générale de « justice réparatrice » et justifie l'intervention de l'Etat. L'auteure choisit une approche historique en partant du solidarisme de Léon bourgeois pour qui le devoir de solidarité devient un lien de droit qui implique une sanction étatique. La doctrine solidariste comporte quatre dimensions : politique, philosophique, sociale et éducative. La dimension éducative est essentielle pour « socialiser les hommes », pour développer le « sens social ». Cette doctrine solidariste rencontre des difficultés et l'idée de solidarité tombe en disgrâce à partir de la première guerre mondiale. Elle connait quelques regains d'intérêt en 1936 et dans les années 80, mais ne semble plus conçue aujourd'hui comme un véritable projet politique. Aujourd'hui la solidarité existe en deux versions, d'un côté une solidarité nationale, de l'autre un développement de l'engagement humanitaire et associatif. Nous sommes passés d'un Etat social avec une vision organisatrice de la société visant à l'émancipation de chacun à un Etat correcteur des défaillances du marché. Notre société en proie à un individualisme forcené à l'heure de la mondialisation a plus que jamais besoin de solidarité. Reste à trouver sous quelle forme...

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Pour citer cet article

Référence électronique

Lydie Chartier, « Sophie Devineau, Sophie Devineau, Roland Pfefferkorn, Alain Bihr, Pierre Aïach, Justice sociale », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 17 décembre 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/866 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.866

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Rédacteur

Lydie Chartier

Professeur de SES

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