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Pierre-Cyrille Hautcoeur, La crise de 1929

Camille Sutter
La crise de 1929
Pierre-Cyrille Hautcoeur, La crise de 1929, La Découverte, coll. « Repères Histoire », 2009, 127 p., EAN : 9782707159069.
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Texte intégral

1Ouvrage salutaire et remarquablement documenté, La crise de 1929 apporte un éclairage précis et synthétique sur ce morceau énorme de l'histoire économique, qui continue de soulever bien des interrogations. Pierre-Cyrille Hautcoeur réinscrit la crise dans son contexte politique, économique, social, et évite le catalogue laborieux des interprétations par une présentation dynamique et chronologique de cette crise. L'analyse est tissée autour de deux fils directeurs, l'acception de la globalité de la crise (loin d'une perspective américano-centrée) et le refus de « l'effet papillon » au profit d'une perspective englobant tous les évènements de la vie économique.

2Un premier chapitre est consacré aux conséquences de la Première Guerre mondiale. Le poids de la Grande guerre est d'abord son coût, pertes humaines et matérielles ayant durablement affaibli les pays européens. L'endettement massif de ces pays a pour premier effet une recomposition des créances, les États-Unis devenant premier débiteur du monde. Les enjeux de l'après-guerre sont le retour à un équilibre budgétaire et le rétablissement de l'étalon-or. Le premier point est compliqué par la question des réparations de l'Allemagne, qui conditionne l'équilibre des autres pays européens. Le second point suscite des réactions différentes, d'une politique de rigueur visant à rétablir la parité d'avant-guerre en Grande-Bretagne à une stabilisation plus tardive en France, au prix d'une dévaluation sévère du Franc. L'après-guerre voit aussi une recomposition du commerce international au profit de nouveaux exportateurs et une baisse des échanges. Enfin, l'héritage politique de la Grande guerre est une tendance à l'intervention de l'État et à la coordination hors-marché.

  • 1 Joseph Schumpeter, Capitalisme, Socialisme et démocratie, 1942, disponible sur le site des Classiqu (...)
  • 2 Karl Polanyi, La Grande Transformation, 1945
  • 3 John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936, disponible (...)

3Dès les années 1920, l'instabilité des marchés de matières premières et la tendance à la surproduction sont les composantes d'une crise structurelle du capitalisme. Celle-ci est ainsi mise en doute par Schumpeter en 1942 1 et par Polanyi en 1945 2. Employant un tiers de la population active après la guerre, l'agriculture souffre d'une surproduction chronique qui entraîne une chute drastique des prix des matières premières. Celle-ci a des conséquences financières - mise en difficulté des banques créditrices - et des conséquences économiques - la diminution brutale n'a pas d'effets redistributifs mais entraîne une chute de la consommation (selon l'analyse de Keynes 3). La tendance à la surproduction dans le capitalisme le plus avancé, notamment aux États-Unis, est une deuxième composante structurelle des déséquilibres des années 1920. Plusieurs canaux sont analysés : les imperfections institutionnelles (dureté du crédit), la faible régulation de la demande, l'effet d'une vague d'investissement.

  • 4 Milton Friedman, Anna Schwartz, A Monetary History of the United States, 1867-1960, 1963
  • 5 Observées dans le New Jersey par Paul Lazarsfeld et Samuel A. Stouffler dans The Family in the Depr (...)

4L'auteur revient ensuite sur les spécificités de la crise américaine et sur les causes conjoncturelles de la crise de 1929. La bulle spéculative éclate dans un contexte fragilisé par l'endettement des ménages et la baisse des prix sur les marchés agricoles. Elle entraîne des faillites bancaires, une chute de la production et des prix. Selon la théorie quantitative 4, c'est la faiblesse de la FED (Federal Reserve) qui explique l'ampleur de la crise : l'absence de politique monétaire expansionniste et les taux d'intérêt élevés ont entraîné un effondrement du crédit qui favorise la propagation de la crise. Le chômage augmente avec la rigidité des salaires : 25% de la population active est au chômage, ce qui a des conséquences sociales 5.

5La crise américaine est souvent considérée, d'après P-C. Hautcoeur, comme indépendante. Cependant, l'auteur souligne que la crise agricole comme la crise bancaire sont simultanées dans d'autres pays, tandis que le changement de régime monétaire en avril 1933 amorce la reprise au niveau international. La crise de 1929 est aussi une « crise de la première mondialisation ». C'est d'abord une crise financière et monétaire. Le système de l'étalon-or facilite la transmission des chocs déflationnistes, et nécessite une coopération, qui n'arrive que tardivement et de manière incomplète. La fin du système de l'étalon-or en 1931, la multiplication des faillites bancaires provoquent une montée du protectionnisme qui entraîne une régression des échanges : de 1929 à 1935, alors que la production chute de 8%, les échanges régressent de 25%.

6Comment sortir de la crise de 1929 ? Nonobstant les courants théoriques, ce sont deux figures majeures qui dessinent deux modèles de sortie de crise : Hitler en Allemagne et Roosevelt aux États-Unis. Les objectifs prioritaires des politiques sont la limitation du chômage, l'entrave à la baisse des prix et de la production. La période voit l'instauration de politiques de compromis forgeant des équilibres qui perdurent jusque dans les années 1970. Dans le cas des États-Unis, une certaine cohérence se dégage a posteriori autour du New Deal de Roosevelt : réglementation de l'activité bancaire, restriction de la baisse des salaires, mise en place d'une politique sociale au niveau fédéral. L'histoire européenne est moins univoque, des démocraties accélérant la mise en place de nouvelles régulations économiques et sociales aux dictatures forçant la marche vers la guerre.

7Si la comparaison avec la crise actuelle, crise financière de 2007 puis crise économique de 2008 est tentante, Pierre-Cyrille Hautcoeur conclut élégamment à la nécessité de penser cette crise dans son contexte propre, économique, politique et social.

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Notes

1 Joseph Schumpeter, Capitalisme, Socialisme et démocratie, 1942, disponible sur le site des Classiques des sciences sociales : http://classiques.uqac.ca/classiques/Schumpeter_joseph/capitalisme_socialisme_demo/capitalisme.html

2 Karl Polanyi, La Grande Transformation, 1945

3 John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936, disponible sur http://classiques.uqac.ca/classiques/keynes_john_maynard/theorie_gen_emploi/theorie_emploi.html

4 Milton Friedman, Anna Schwartz, A Monetary History of the United States, 1867-1960, 1963

5 Observées dans le New Jersey par Paul Lazarsfeld et Samuel A. Stouffler dans The Family in the Depression, 1937

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Pour citer cet article

Référence électronique

Camille Sutter, « Pierre-Cyrille Hautcoeur, La crise de 1929 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 21 janvier 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/915 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.915

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Rédacteur

Camille Sutter

Elève de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon

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Droits d’auteur

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