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Sophie Morlaix, Compétences des élèves et dynamique des apprentissages

Didier Bastide
Compétences des élèves et dynamique des apprentissages
Sophie Morlaix, Compétences des élèves et dynamique des apprentissages, Presses universitaires de Rennes, coll. « Paideia », 2009, 120 p., EAN : 9782753509047.
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Texte intégral

  • 1 ROPÉ F., « Savoirs et compétences » in VAN ZANTEN A. (dir.), Dictionnaire de l'éducation, PUF, 2008
  • 2 ROPÉ F., TANGUY L. (dir.), Savoirs et compétences, L'Harmattan, 1994.
  • 3 LEMAÎTRE D., HATANO M. (coord.), Usages de la notion de compétence en éducation et formation, L'Har (...)
  • 4 CRAHAY M., « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation », R (...)
  • 5 op. cit.

1L'ouvrage se propose de confronter, dans le champ de l'éducation, différentes approches développées en économie, en psychologie et en sociologie, afin d'étudier la structure et l'évolution des compétences des élèves à l'école élémentaire. Il part du constat que ces différentes disciplines partagent une préoccupation centrale, à savoir, l'étude des déterminants de la réussite et des parcours scolaires, autrement dit l'analyse des « mécanismes influant sur la variabilité des acquisitions et des orientations » (p. 7). Ici, il s'agit moins de se pencher sur l'utilisation du concept de compétence, que sur les façons de mesurer les compétences des élèves, qui relèvent « d'une complexité beaucoup plus grande que ne le laissent envisager les évaluations institutionnelles actuelles » (p. 9). L'usage de la notion de compétence dans la sphère éducative, qui se développe à compter des années 1980 dans le prolongement de la pédagogie par objectifs 1, constitue en effet un objet d'étude (notamment pour la sociologie), déjà ancien2 et renouvelé 3. Ainsi récemment, Marcel Crahay4 procède à une critique serrée de la notion de compétence. Cette dernière « fait figure de caverne d'Ali Baba conceptuelle » selon l'auteur, d'où sa volonté de mettre à jour et d'illustrer, les dangers, les incertitudes et l'incomplétude de cette logique de compétence en éducation, pour reprendre le titre de son article5.

  • 6 PERRENOUD P., Construire des compétences dès l'école, ESF, 1997.

2Pour tenter de répondre à la question "Comment les acquisitions des élèves se construisent ?" Sophie Morlaix, maître de conférences à l'université de Bourgogne et membre de l'IREDU, organise la réflexion autour de quatre chapitres à la fois brefs et denses, s'enchaînant avec fluidité. Le premier chapitre débute par un retour sur les différences d'approches développées en économie et en sociologie pour tenter de cerner les facteurs responsables de la variabilité des niveaux d'acquisition atteints par les élèves. Au modèle processus-produit propre à la sociologie, dans lequel interviennent les caractéristiques des enseignants et des variables de contexte, se substitue en économie une logique de fonction de production : avec pour output les résultats de élèves, leurs « acquisitions », supplantées par le terme de « compétences ». Ce qui donne alors l'occasion à l'auteure de procéder à un rapide état de la question en matière de définitions de la compétence. Philippe Perrenoud (1997) par exemple, synthétise la compétence comme « la capacité à agir efficacement dans un type défini de situation, capacité qui s'appuie sur des connaissances mais ne s'y réduit pas... La construction de compétences est inséparable de la formation de schèmes de mobilisation des connaissances à bon escient en temps réel au service d'une action efficace » (p. 7 et 11)6. Autrement dit, les compétences scolaires incorporent des savoirs cognitifs et méthodologiques (ou savoir-faire) ainsi que des compétences comportementales (ou savoir-être). Logiquement, le chapitre suivant convie le lecteur à se poser la question de la mesure de ces compétences. Mesure par les enseignants d'abord, au moyen de la notation, à l'aide des évaluations nationales mises en place par le ministère de l'Education nationale en 1999 (en début de CE2 et de 6ème, aujourd'hui en cours de CE1 et de CM2). L'auteure pointe les apports mais aussi les limites de ces évaluations (mais également des évaluations internationales), par exemple en matière d'échelles de mesure utilisées. Ainsi dans les évaluations nationales, « la réussite des élèves est chiffrée de façon variable d'une compétence à l'autre selon le nombre d'items mobilisés » (p. 30). Sont ensuite présentés les outils pour l'évaluation des compétences dont disposent les chercheurs, parmi lesquels les modèles structuraux. Un de ces modèles, le logiciel LISREL est requis pour l'analyse menée en suivant. Ainsi s'opère la transition avec le chapitre 3, qui constitue le cœur de l'analyse. A priori difficile d'accès pour le lecteur peu familier des aspects statistiques, le contenu se révèle stimulant et riche d'enseignements. Pour le dire simplement, l'auteure propose de « définir a posteriori des compétences » à partir des évaluations nationales remaniées en se centrant sur les relations entre items. Cette analyse permet à la fois de « tester statistiquement la pertinence de la nomenclature des compétences établie par les concepteurs des épreuves et d'identifier de nouvelles compétences à partir d'associations d'items» (p. 41). Cette perspective transversale et longitudinale, auprès d'élèves de CE2 et de 6ème aboutit à faire émerger des compétences latentes, hiérarchisées. Certaines d'entre-elles sont essentielles à l'acquisition d'autres compétences et « certaines compétences sont difficilement accessibles à l'ensemble des élèves » (p. 53). L'étude permet d'isoler les compétences « les plus prédictives de la réussite ». Ainsi à l'entrée au cycle 2 (CE2) le calcul mental, l'orthographe et les capacités attentionnelles « sont les dimensions principales des apprentissages des élèves » (p. 61), alors qu'en 6ème les acquisitions se structurent autour des habiletés numériques et du calcul d'une part et de la compréhension en lecture d'autre part. Enfin un dernier chapitre revient sur le modèle processus-produit, point de départ de la réflexion, pour y substituer le paradigme des « processus médiateurs », afin de tenir compte de procédures de traitement de l'information que les élèves déploient lors des apprentissages. C'est l'occasion pour l'auteure d'opérer un glissement vers des travaux de psychologie de l'éducation, afin de se saisir au final, de l'activité cognitive des élèves, toujours en lien avec les compétences que ces derniers développent à l'école élémentaire.

3Au total, Sophie Morlaix livre une étude passionnante, en matière de mesure des compétences scolaires. Loin d'une posture surplombante, l'analyse met à jour une série de résultats sur l'interdépendance des compétences et sur leur évolution dans le temps. On ne peut que souhaiter, (au moment où les évaluations nationales et les modalités de formation des enseignants du primaire sont profondément remaniées) que les politiques éducatives s'emparent de ces travaux et de ceux de la même veine, afin de « favoriser le développement chez les élèves de certaines capacités cognitives, et au-delà, de compétences indispensables à la poursuite d'une scolarité réussie ». (p. 9)

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Notes

1 ROPÉ F., « Savoirs et compétences » in VAN ZANTEN A. (dir.), Dictionnaire de l'éducation, PUF, 2008.

2 ROPÉ F., TANGUY L. (dir.), Savoirs et compétences, L'Harmattan, 1994.

3 LEMAÎTRE D., HATANO M. (coord.), Usages de la notion de compétence en éducation et formation, L'Harmattan, 2007.

4 CRAHAY M., « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation », Revue française de pédagogie, n° 154, 2006.

5 op. cit.

6 PERRENOUD P., Construire des compétences dès l'école, ESF, 1997.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Didier Bastide, « Sophie Morlaix, Compétences des élèves et dynamique des apprentissages », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 05 mai 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1006 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1006

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