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Dominique Marchetti, Quand la santé devient médiatique. Les logiques de production de l'information dans la presse

Guillaume Goasdoué
Quand la santé devient médiatique
Dominique Marchetti, Quand la santé devient médiatique. Les logiques de production de l'information dans la presse, Presses universitaires de Grenoble, 2010, 191 p., EAN : 9782706115981.
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Texte intégral

1Offrant une strate supplémentaire à l'analyse du monde médiatique et du champ journalistique, cet ouvrage permet de comprendre à partir d'une étude de cas comment s'est opérée la mutation du traitement médiatique de la santé au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Prenant principalement appui sur deux affaires symptomatiques, le vaccin anti-hépathite B (1983) et le sang contaminé (à partir de 1991), l'auteur analyse la transformation progressive de l'information médicale. Évitant l'écueil du média-centrisme, D. Marchetti développe son propos en prenant soin d'intégrer les facteurs internes et externes au milieu professionnel étudié. Ainsi l'ouvrage traite de l'histoire des rubriques santé depuis l'après guerre, des propriétés des journalistes et de la position des médias, de l'essor de l'offre médiatique et de la montée des logiques économiques, de l'évolution du public et des styles de vie, etc. L'ouvrage propose « une analyse relationnelle des médias et des journalistes, attentive certes au discours mais aussi aux structures et aux pratiques » (p.18).

2L'autonomie des journalistes scientifiques a été acquise en opposition au monde scientifique qui avait pour habitude de contrôler la production d'information. Les premières rubriques dédiées au sein des journaux (fin des années 1950 à l'AFP) ne concernaient qu'un petit cercle de journalistes (« Inner Club ») constitué minoritairement de médecins (e.g. Fiessinger au Monde) et majoritairement d'individus au profil scientifique formés sur le tas. Il fallait que ces nouveaux rubricards soient légitimés par le monde scientifique mais aussi par leur hiérarchie interne. La création d'associations de journalistes scientifiques (AJSPI, ANJIM) alla dans ce sens. L'évolution de la profession, explique l'auteur, retraduit les évolutions sociales comme la massification scolaire, l'essor de la consommation de biens et services de santé, le vieillissement de la population, l'amélioration des conditions de vie des femmes, ... et aussi un regard plus critique sur le monde médicale. Après la couverture (trop) enthousiaste des années d'après guerre c'est un regard plus critique, un contenu dé-médicalisé et plus politisé qui vont se répandre (« science-popularization » vs « science-as-news »). La judiciarisation s'accentue aussi ce qui traduit moins un changement de la réalité effective qu'une évolution de la « doxa en matière de responsabilité médicale (à laquelle participent activement les journalistes) ».

3L'affaire du vaccin anti-hépathite B intervient à une époque peu concurrentielle entre les journalistes. Le Monde occupe une position à part et bénéficie du quasi monopole des scoops. Progressivement une nouvelle génération de journalistes scientifiques (Nau, Conan, Nouchi, ...) rompt avec les anciens codes et illustre l'évolution des logiques journalistiques : plus politique, en phase avec leur lectorat respectif, à la recherche de scoops, ... Cela se manifeste particulièrement lors du scandale du sang contaminé qui cristallise les oppositions et la concurrence entre les titres. Cette concurrence va avoir des effets internes au sein des rédactions puisque les journalistes scientifiques vont être dépossédés des affaires au profit des journalistes généralistes (et politiques), des reporters et des éditorialistes. Cette dépossession est d'ailleurs visible « à travers le glissement sémantique (une « affaire médicale », une « affaire judiciaire », une « affaire d'État », etc.). Cette nouvelle donne que détaille précisément l'auteur implique des effets sur la façon dont l'information médicale est désormais traitée au gré du profil (et des stratégies de promotion) de ceux qui s'en emparent. De la simplification à la dramatisation en passant par la personnalisation (e.g. le ministre Fabius) ou la déformation, le sujet de santé qui était autrefois prudemment investi, en raison de son caractère complexe et de ses implications à risques, devient un sujet ordinaire soumis aux lois contemporaines du journalisme. A cette logique professionnelle s'ajoute la logique économique que les médias ont largement adoptée ces dernières décennies.

4Cet ouvrage fouillé offre un exemple significatif des mécanismes internes et externes qui agissent sur l'évolution du journalisme. L'auteur fournit d'ailleurs de nombreuses références à propos de sujets où les mêmes logiques sont à l'œuvre (justice, banlieue, environnement, économie ...) ; manque peut être à l'appel la question humanitaire.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Guillaume Goasdoué, « Dominique Marchetti, Quand la santé devient médiatique. Les logiques de production de l'information dans la presse », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 07 septembre 2010, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1129 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1129

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Rédacteur

Guillaume Goasdoué

ATER/Doctorant, ParisII, IFP/CARISM

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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