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Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed, Danièle Trancart, Ecole : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l'école française

Didier Bastide
Ecole : les pièges de la concurrence
Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed, Danièle Trancart (dir.), Ecole : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l'école française, La Découverte, coll. « cahiers libres », 2010, 312 p., EAN : 9782707157614.
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Texte intégral

  • 1 « Un piège est un lieu double, à la fois lui-même et autre que lui-même, figure transparente cachan (...)
  • 2 voir par exemple, BROCCOLICHI S., BEN AYED C., « L'institution scolaire et la réussite de tous aujo (...)

1Etudier le développement de la concurrence scolaire et son influence sur l'inégale réussite des élèves, tel est l'objet de l'ouvrage. En une quinzaine de contributions, il s'agit d'éclairer les pièges 1, comme l'indique le titre, autrement dit les diverses logiques auxquelles cette concurrence est soumise. Ainsi, les deux sociologues coordonnateurs de l'ouvrage, auteurs en commun de plusieurs publications sur la production d'inégalités à l'école, élargissent-ils leur focale, sur une préoccupation partagée, déjà ancienne 2.

  • 3 LESSARD C., TARDIF M. (dir.), La Profession d'enseignant aujourd'hui : évolution, perspectives et e (...)

2Le constat de départ est celui de l'« envahissement de la concurrence scolaire », qui se manifeste notamment par l'assouplissement de la carte scolaire, par la publication de palmarès d'établissements y compris des collèges. Ceci au prétexte que « la libre concurrence entre les établissements scolaires est supposée stimuler une certaine émulation éducative qui permettrait une élévation générale de la qualité des établissements scolaires, encouragés à se singulariser au sein du marché éducatif » (p. 8), et alors même que l'école a longtemps incarné « l'égalité républicaine devant le service public » (p. 6). Bref, c'est cette tension en matière de politiques éducatives, entre deux pôles, qualifiés par Claude Lessard et Maurice Tardif 3, l'un de « néolibéral », l'autre d'« humaniste égalitaire », qu'il s'agit d'étudier ici. En postulant que le second pôle, insistant « sur les valeurs citoyennes, sur la démocratisation du savoir et sur le maintien du service public d'éducation » (p. 9) s'érode progressivement, faisant ainsi la part belle au premier pôle s'inspirant de l'idéologie de la performance et de la productivité.

3La première partie débute par une approche succincte, à la fois historique et politique de la question de la concurrence scolaire. En fait, la contribution de Sylvain Broccolichi rappelle (peut-être trop brièvement pour le lecteur profane), que les inégalités scolaires ont longtemps trouvé une réponse en terme « d'égalisation formelle des cursus au détriment d'une égalisation réelle des chances d'acquérir les savoirs scolaires et les diplômes » (p. 26). Puis à un retour sur la politique des ZEP, succède pour clore cette partie, une étude de l'autonomie pédagogique des établissements du second degré et du projet de suppression de carte scolaire. Cette dernière, rappelle Choukri Ben Ayed, a fait l'objet d'un vaste assouplissement, après la dernière élection présidentielle, dès la rentrée 2007, sans pour autant améliorer la mixité sociale, selon un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale.

  • 4 BROCCOLICHI S., BEN AYED C., TRANCART D. (coord.), Les Inégalités sociospatiales d'éducation : proc (...)

4La deuxième partie fait état des résultats d'un rapport de recherche de 2006 4, questionnant les divers facteurs (sociaux, géographiques, scolaires) en jeu dans les performances scolaires des élèves. Après avoir listé les biais et les difficultés méthodologiques, auxquels est soumis ce type de travaux (notamment en matière de comparaisons internationales), l'étude livre une série de comparaisons entre réussites départementales, complétées de variations entre collèges selon les groupes sociaux. Parmi les points de l'analyse fine des données qui suit, citons un exemple : les auteurs mettent à jour un « effet de contexte », à savoir pour le dire lapidairement, un lien fort entre la « sous-réussite » des élèves dans certains départements et la jeunesse des enseignants. Les enquêtes de terrain effectuées en Seine-Saint-Denis, en Loire-Atlantique et dans les Yvelines illustrent, en troisième partie, les constats précédents.

  • 5 VAN ZANTEN A., GROSPIRON M.-F., KHERROUBI M., ROBERT A. D., Quand l'école se mobilise, Paris, La Di (...)

5En contrepoint du « désarroi des familles, des élèves et des professionnels » pour reprendre le titre d'un chapitre, la quatrième partie donne à lire les monographies, d'un collège des Yvelines, d'une ZUS de Nantes et de trois collèges de la Loire. Cette approche « par le bas » n'est pas sans rappeler l'ouvrage Quand l'école se mobilise 5. Elle éclaire des dynamiques pédagogiques et éducatives qui contribuent, à une plus grande réussite scolaire des élèves, à stopper leur « fuite » (et donc le phénomène de ghettoïsation) bref, à conférer une identité forte à un établissement. Malheureusement dans les trois cas, les dispositifs s'étiolent, voire disparaissent du fait de leur fragilité et par manque de soutien institutionnel. Les raisons de ces échecs sont analysées dans la dernière partie. Un point de vue fort est défendu : le turn-over des équipes enseignantes est « avant tout le produit de dysfonctionnements institutionnels, pour une part structurels, qui construisent la démobilisation des personnels » (p. 246).

6Au final, l'ouvrage propose une étude de grande ampleur, qui peut s'avérer troublante pour le lecteur tant apparait béant le décalage entre les intentions, les discours souvent préfabriqués en matière de politiques publiques d'éducation et les réalités observables concernant la réussite des élèves. Les auteurs proposent en conclusion une série d'outils pour enrayer les phénomènes cumulatifs observés, notamment en matière de formation initiale et continue des enseignants, bien loin là encore des pratiques existantes.

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Notes

1 « Un piège est un lieu double, à la fois lui-même et autre que lui-même, figure transparente cachant toujours son ombre. » (p. 292), in BERTHELOT J.-M., Le piège scolaire, Paris, PUF, 1983

2 voir par exemple, BROCCOLICHI S., BEN AYED C., « L'institution scolaire et la réussite de tous aujourd'hui : "pourrait mieux faire" », Revue française de pédagogie, n° 129, 1999 ; BEN AYED C., BROCCOLICHI S., « Hiérarchisation des espaces scolaires, différenciations usuelles et processus cumulatifs d'échec », VEI, n° 114, 2001

3 LESSARD C., TARDIF M. (dir.), La Profession d'enseignant aujourd'hui : évolution, perspectives et enjeux internationaux, Québec/Paris, PU Laval/De Boeck, 2004.

4 BROCCOLICHI S., BEN AYED C., TRANCART D. (coord.), Les Inégalités sociospatiales d'éducation : processus ségrégatifs, capital social et politiques territoriales, INRP/OZP, 2006

5 VAN ZANTEN A., GROSPIRON M.-F., KHERROUBI M., ROBERT A. D., Quand l'école se mobilise, Paris, La Dispute, 2002

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Pour citer cet article

Référence électronique

Didier Bastide, « Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed, Danièle Trancart, Ecole : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l'école française », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 04 novembre 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1177 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1177

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