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Marie Duru-Bellat, Brigitte Marin, La mixité scolaire, une thématique (encore) d'actualité ?

Pierre Bataille
La mixité scolaire, une thématique (encore) d'actualité ?
« La mixité scolaire, une thématique (encore) d'actualité ? », Revue française de pédagogie, n° 171, 2010, 173 p., Éditions de l'INRP, EAN : 9782734211877.
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Texte intégral

  • 1 AUDUC J.-L., 2009, Sauvons les garçons !, Paris : Descartes et Cie.
  • 2 FIZE, M., 2003, Les Pièges de la mixité scolaire, Paris : Presses de la Renaissance.

1Après une période de relatif silence, la question de la mixité scolaire est régulièrement revenue dans le débat public français depuis le début des années 1990, le plus souvent par l'intermédiaire de la parution de nouvelles études ou livres. Cela a été le cas l'année dernière pour l'ouvrage de J.-L. Auduc 1 qui avait attiré l'attention de quelques médias nationaux, ou encore quelques années auparavant, celui de M. Fize en 2003 2. Malheureusement, bien souvent ce coup de projecteur médiatique ne semble pas témoigner d'un souci accru pour l'égalité sexuée en matière d'éducation. En effet, ce sont généralement les seules conséquences de la mixité scolaire sur les résultats et le comportement des garçons qui font en priorité les gros titres des journaux. C'est donc à éclairer ce débat aux enjeux politiques et scientifiques forts dans toute sa complexité qu'oeuvrent les différentes contributions de ce numéro de la Revue Française de Pédagogie.

  • 3 Le dispositif mis en place visait à faire établir par des spécialistes un état de la question en vu (...)

2Issues des interventions menées lors d'une « conférence de consensus3 » organisée par l'IUFM de l'académie de Créteil, les contributions à ce numéro exposent les différents points de vues autour de ce débat sur la mixité. Aussi, la plupart des articles de ce dossier constituent une synthèse des travaux des chercheu.r.euse.s intervenant.e.s autour de la question de la construction des différences sexuées à l'école et de l'impact de l'organisation du système scolaire sur la construction de ces différences. C'est notamment le cas des textes de D. Wetzer-Lang ou de F. Vouillot qui, au delà de l'intérêt pour le thème spécifique de la mixité, constituent un aperçu synthétique particulièrement intéressant pour les lecteurs peu familiers des travaux menés par les auteur.e.s en question.

3Une série de cinq contributions, suivie de trois « contrepoints » plus courts s'attachent donc à décrire ce que M. Duru-Bellat appelle en ouverture « les paradoxes apparents de la mixité scolaire ». Sous une forme très synthétique, ces paradoxes pourraient être résumés de la sorte : les filles récoltent aujourd'hui plus de titres scolaires que leurs mères ou leurs grands-mères, remettent en question la suprématie des garçons dans la sphère scolaire, mais continuent cependant toujours à s'orienter (et à être orientées) vers des filières scolaires et professionnelles relativement moins valorisées. Différentes pistes et facettes de ces paradoxes sont alors présentées dans les contributions successives. Certains intervenants soulèvent en premier lieu la question du décalage entre la non-mixité des orientations scolaires et les réussites scolaires féminines. Pour F. Vouillot et F. Dubet, le constat semble clair : c'est le fonctionnement du système d'orientation tel qu'il est organisé qui empêche les avancées obtenues par les filles, entre autres grâce à la mixité scolaire, de se propager aux niveaux supérieurs du système d'éducation et plus encore dans les mondes professionnels. Si la contribution de F. Vouillot analyse en finesse les ressorts psychologiques engagés par les élèves au moment de l'orientation scolaire, F. Dubet insiste de son côté sur le fait que la non-mixité des orientations ne saurait se réduire à l'échelle strictement scolaire. C'est la non-mixité d'une bonne partie des sphères de la vie sociale actuelle effective ou future présumée des élèves ainsi que la hiérarchisation qui la sous-tend qui informe en retour les orientations.

4Deuxièmement, la socialisation scolaire en contexte mixte révèle certaines disparités en matière de rapport à l'école et à la réussite scolaire, qui permettent aussi d'expliquer, en partie, ces différences sexuées d'orientation, comme le soulignent les résultats de l'enquête menée par C. Safont-Mottay, N. Oubrayrie-Roussel et Y. Prêteur. Difficile de dire à partir des résultats si ces disparités sont dues au régime mixte d'éducation. En tout cas, il apparaît très nettement que la mixité scolaire n'engendre pas mécaniquement l'égalité du point de vue des appétences scolaires. D. Wetzer Lang rappelle de son côté que nombre d'analyses s'intéressant à ces « paradoxes » apparents, en se focalisant sur le sort des filles dupées par le système scolaire, négligent bien souvent la question de l'impact de la mixité sur les socialisations masculines. La conjugaison de la difficulté à demander de l'aide des hommes jeunes ou moins jeunes et des résistances masculines au changement apparait alors sous cet angle une clé de compréhension de certaines violences engendrées par relative suprématie des filles dans la course aux titres scolaires, en décalage avec les principes d'une société « toujours marquée par la domination masculine » (p.15).

5Faut-il pour autant revenir vers des systèmes non-mixtes d'éducation des jeunes, même cantonnés à certaines disciplines ? L'analyse des expériences récentes de non-mixité effectuée par E. Smyth, met en garde les observateurs trop prompts à conclure quant aux heurs et malheurs de l'un ou l'autre régime d'éducation. En effet, si sous certaines conditions les effets négatifs de la mixité sur l'accentuation des stéréotypes paraissent s'estomper, ce n'est définitivement pas une propriété intrinsèque de la non-mixité des enseignements. La synthèse des travaux effectuée par l'auteur mène plutôt à la conclusion qu'il est en l'état actuel des recherches très problématique d'identifier des effets propres de la non mixité sur les résultats et la socialisation des élèves. Pour ne donner qu'un exemple, il faut rappeler que les expériences de retour vers la non-mixité effectuées au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis sont fait dans le cadre d'établissements pratiquant une forte sélection. Dans ce cas, difficile de trancher pour savoir si les effets positifs observés sont le fruit d'une éducation ségrégative ou la conséquence de cette sélection pratiquée à l'entrée des institutions.

6Il faut dès lors s'intéresser plus précisément aux conditions de la comparaison effectuée, et s'abstenir de tout discours définitif pour ou contre la mixité scolaire. D'ailleurs les « contrepoints » proposés par les membres du jury de cette conférence, sont là pour rappeler, malgré les entrées plutôt critiques des principales contributions, quelques bonnes raisons de défendre aujourd'hui encore la mixité scolaire. A travers ces trois textes plus courts qui forment cette deuxième partie se développe une troisième problématisation sensiblement différente de celle mise en place dans les quatre précédentes contributions. La formation des enseignants autour des questions d'éducation au prisme du genre est davantage présentée dans ces dernières contributions comme une réponse plus adaptée que le retour même partiel à la non mixité.

  • 4 MARRY C., 2004, « Mixité scolaire: abondance des débats, pénurie des recherches », Travail, Genre e (...)

7Si ces différentes contributions constituent une entrée en matière de qualité dans le débat sur la mixité scolaire, on regrettera en revanche que peu d'entre-elles s'appuient sur l'analyse de données originales. La plupart des contributions se limitent à une hagiographie (très complète) des débats et recherches autour de la question de la mixité scolaire, qu'on aurait aimé voir mise plus systématiquement en discussion avec des éléments empiriques concrets sur la mixité ou la non-mixité en contexte scolaire. On ne peut dans ce cas que réitérer le constat de C. Marry : les nombreux discours produits sur la mixité scolaire se heurtent encore et toujours à une « pénurie de recherche 4 ».

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Notes

1 AUDUC J.-L., 2009, Sauvons les garçons !, Paris : Descartes et Cie.

2 FIZE, M., 2003, Les Pièges de la mixité scolaire, Paris : Presses de la Renaissance.

3 Le dispositif mis en place visait à faire établir par des spécialistes un état de la question en vue de la production d'outil par un jury pour nourrir les pratiques et réflexions des formateurs

4 MARRY C., 2004, « Mixité scolaire: abondance des débats, pénurie des recherches », Travail, Genre et Société, n°11, p.189-194

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Bataille, « Marie Duru-Bellat, Brigitte Marin, La mixité scolaire, une thématique (encore) d'actualité ? », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 11 octobre 2010, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1155 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1155

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