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Eric Monnet, À quoi servent les sciences humaines (II) Sciences sociales et monde de l'entreprise.. A quoi sert la géographie ?

Fabrice Hourlier
À quoi servent les sciences humaines (II) Sciences sociales et monde de l'entreprise.
« À quoi servent les sciences humaines (II) Sciences sociales et monde de l'entreprise. A quoi sert la géographie ? », Tracés, Hors série 2010, 2010, 264 p., ENS Éditions, EAN : 9782847882322.
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Notes de la rédaction

Le numéro hors série ici recensé est composé de deux parties égales en volume ("Sciences sociales et entreprises" et "A quoi sert la géographie") qui étaient, en cela, redevables du même traitement, là où l'auteur de la recension choisit sans raison explicite de n'évoquer que la première partie. Par ailleurs, les hors série de la revue Tracés ne peuvent être considérés comme des numéros de recherche académique. Les textes qui les composent - y compris ceux écrits par des chercheurs - ne sont pas des papiers scientifiques, mais tentent de rendre compte, par le récit d'expériences, des usages qui sont faits des sciences humaines en particulier hors de l'Université.

Les coordinateurs du cycle "A quoi servent les sciences humaines"

Texte intégral

1Ce numéro de Tracés revient dans un avant-propos sur la mobilisation passée et en cours pour la défense des sciences humaines au sein de l’université et de la défense de l’autonomie des chercheurs par un financement public. La revue traite ensuite de deux thèmes : les rapports des sciences sociales et de l’entreprise et des apports de la géographie dans les sciences humaines.

2Le premier dossier commence par rappeler qu’un rapprochement entre sciences sociales et monde de l’entreprise n’a pas été de soi pendant longtemps. D’une part, l’entreprise comme objet d’étude des sciences sociales a souvent été réduite à un épiphénomène à partir duquel on traiterait avant tout de sociologie du travail ou des organisations. La singularité et l’histoire de chaque entreprise n’aurait alors pas été vraiment prise en compte au profit d’études de groupes professionnels ou de rapports de travail. Enfin, l’entreprise est souvent considérée comme un objet immoral parce qu’on y trouve bien évidemment des rapports de domination et d’exploitation, ce qui en détourne nombre de chercheurs. D’autre part, en miroir, le monde de l’entreprise est plutôt indifférent aux problématiques et aux connaissances des sciences sociales. Lorsqu’il s’y intéresse, c’est le plus souvent de manière instrumentale en retenant certaines réflexions économiques, des techniques de gestion ou une histoire valorisante pour une marque. Sur ce dernier point, Rodolphe Vidal montre comment les entreprises sont en quête d’expertises en sciences humaines à l’heure de la « responsabilité sociale » et des balbutiements du « social business ».

3Patrick Fridenson rappelle qu’il existe aujourd’hui une quantité conséquente de travaux sur les entreprises et qu’elles deviennent un objet d’études qui se banalise. Le chercheur en sciences sociales a donc beaucoup à dire à leur propos. Il faut simplement avoir à l’esprit qu’elles sont des « agents doubles » : d’inclusion (en termes d’emploi et de carrière) mais aussi d’exclusion (par les licenciements, la fermeture de sites, les discriminations et les relations d’exploitation). Charles de Froment appelle à poursuivre le rapprochement entre entreprises et sciences sociales. D’une part, parce que la valeur des études en sciences humaines sur le marché du travail baisse et que les entreprises et leurs financements éventuels pourraient représenter de nouveaux débouchés pour les diplômés. D’autre part, parce que les problématiques des sciences humaines peuvent souvent intéresser les hommes d’entreprise pour acquérir des connaissances plus larges que les versions affadies et utilitaristes des sciences de gestion. L’article de Eric Godelier reprend les mêmes conclusions.

4Quel savoir est produit par les chercheurs en sciences sociales qui travaillent sur et parfois pour les entreprises ? C’est la question en filigrane de l’article de Hélène-Yvonne Meynaud. Il existe plusieurs équipes de chercheurs en sciences sociales qui travaillent pour des entreprises. Citons le Centre scientifique et technique du bâtiment qui réfléchit aux réactions des différents groupes sociaux vis-à-vis de la thématique de l’habitat durable, le SENSE rattaché à Orange qui étudie les usages des moyens de communication selon les groupes sociaux et les générations ou encore le GRETS, rattaché à EDF, qui étudie les réactions de l’opinion publique face à l’implantation de centrales nucléaires, les caractéristiques des pro- ou antinucléaires ou encore les modalités de maîtrise de l’énergie. Le chercheur éprouve des difficultés à avoir une posture neutre lorsqu’il répond à une commande d’entreprise ou qu’il est embauché par des instituts attachés à une ou à un groupement d’entreprises. S’il réussit à avoir une véritable autonomie dans sa recherche et ses conclusions, ses résultats peuvent se retrouver interdits de diffusion par le commanditaire ou instrumentalisés pour une campagne de communication en faveur de l’entreprise où le chercheur va jouer malgré lui un rôle de légitimation. C’est tout le problème du lien de subordination entre entreprise financeuse et chercheur. Autre travers : des recherches indépendantes suivent souvent des problématiques et utilisent un langage qui les rendent inutilisables pour le monde professionnel et pas seulement par la direction d’une entreprise. Sur ce point précis, Nicolas Marty montre à travers sa recherche sur Perrier qu’une histoire d’entreprise n’est pas seulement limitée à un usage par la direction, mais qu’elle peut être appropriée par les salariés voire une ville. Un travail en sciences sociales échappe donc toujours en partie dans ses usages au chercheur. Une posture intermédiaire entre totale indépendance et implication forte dans l’entreprise peut avoir par contre des effets de connaissance importants. Par exemple, les psychosociologues des années 1950 ont acquis une véritable expertise et une liberté de parole parce que leurs équipes ont enchaîné des contrats de recherche avec des entreprises différentes dans le temps et l’espace, ce qui a multiplié les lieux d’observation et les sources de financement. Un ancrage à l’Université de chercheurs qui travaillent sur les entreprises permet une analyse, voire un jugement, plus facile sur les systèmes de pouvoir et les rapports sociaux au sein des entreprises. Le fonctionnement de l’entreprise est alors soumis plus facilement à débat. Mais cela n’empêche pas forcément la récupération de ces analyses par l’entreprise elle-même. L’ouvrage de Boltanski et Chiapello sur le nouvel esprit du capitalisme montre bien comment les gestionnaires ont repris habilement des analyses issues d’études historiques, politiques ou sociologiques. Ils ont alors intégré la « critique artiste » et l’aspiration à l’autonomie des individus dans le nouveau management par projet qui est désormais un outil de domination dans le travail beaucoup plus subtil que les précédents.

5Le second dossier présente les apports de la géographie (et de sa production centrale : les cartes) concernant des domaines aussi différents que la prévention de risques sanitaires,  les stratégies militaires ou l’extension des firmes multinationales.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabrice Hourlier, « Eric Monnet, À quoi servent les sciences humaines (II) Sciences sociales et monde de l'entreprise.. A quoi sert la géographie ? », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 22 février 2011, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1286 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1286

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Rédacteur

Fabrice Hourlier

Professeur de sciences économiques et sociales au lycée français de Varsovie

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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