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Martine Kherroubi, Mathias Millet, Daniel Thin, Classes relais et familles, accompagnement ou normalisation ?

Gaële Henri-Panabière
Martine Kherroubi, Mathias Millet, Daniel Thin, Classes relais et familles, accompagnement ou normalisation ?, CNFE-PJJ, coll. « Etudes et Recherches », 2005, EAN : 9782110902214.
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Texte intégral

1Les dispositifs relais créés depuis une dizaine d'années s'inscrivent dans une tendance à l'institutionnalisation d'initiatives d'acteurs de terrain appartenant au domaine de l'école et à celui du travail social. Plusieurs enquêtes ont déjà été menées sur ces dispositifs, dont certaines par deux des auteurs de cet ouvrage . Ici, ce sont les relations entre ces dispositifs et les familles concernées qui sont au centre de cette recherche. Elles sont interrogées par le biais d'une enquête de type ethnographique (longues périodes d'observation in situ, entretiens avec les professionnels et les familles) dont le terrain (cinq dispositifs situés dans différentes régions, avec des équipes de taille et de composition variables...) a été choisi sur la base d'une enquête exploratoire par questionnaires dont l'effectif final est de 84 dispositifs. Les données de cette enquête quantitative sont également mobilisées dans les analyses proposées , qui permettent notamment de situer les dispositifs observés qualitativement du point de vue de certaines caractéristiques ou tendances plus générales. C'est le cadre interprétatif et méthodologique de cette enquête qui est présenté dans les trois premiers chapitres.

2Le chapitre suivant (rédigé par Martine Kherroubi) porte sur la division du travail au sein des dispositifs relais. L'étude de la composition des équipes et des caractéristiques de leurs membres dans l'ensemble des dispositifs interrogés par questionnaire permet de dégager six grandes catégories de personnel par ordre décroissant d'effectif : des « instituteurs » occupant une position centrale dans les dispositifs (ils en sont souvent les coordonnateurs), des éducateurs (dont le temps de présence varie d'un dispositif à l'autre), des aides-éducateurs, des professeurs du secondaire, des agents de justice et des assistantes sociales. Malgré une appartenance à deux domaine professionnels distincts (celui de l'école et celui du travail social), Martine Kherroubi note une certaine proximité dans les caractéristiques de ces acteurs : proximité dans la trajectoire scolaire (« moyenne ») et professionnelle (des débuts comme contractuels, une formation « sur le tas », des changements fréquents de postes), dans les aspirations professionnelles (crainte d'une certaine routine, recherche d'une certaine autonomie dans la façon de travailler...), dans la connaissance de publics « difficiles » et dans un positionnement relativement critique vis-à-vis de l'institution scolaire.

3La « dynamique partenariale » (p. 69) de ces différents acteurs est ensuite interrogée. La position dominante du coordonnateur dans le dispositif relais est plus ou moins marquée selon l'histoire de ce dernier (la définition de ses tâches et la manière dont il définit ou intervient dans le travail des autres membres varient de manière importante dans les cinq dispositifs observés de près). Les relations entre les deux grands pôles de fonctionnement des dispositifs (le « pédagogique » et l' « éducatif ») sont tramées non seulement par des logiques de territoires distincts (domaines réservés) mais aussi par des relations de pouvoir plus ou moins ressenties comme telles selon les situations. Si la complémentarité est recherchée ou affichée par les acteurs et renvoie à des compétences professionnelles spécifiques (faisant souvent des éducateurs des « spécialistes » des relations, notamment avec les parents), certains empiètements sont possibles.

4Les quatre chapitres suivants (rédigés par Daniel Thin et Mathias Millet) interrogent les pratiques et les représentations à l'œuvre dans les relations entre les membres des dispositifs relais et les familles dont un enfant est pris en charge par ce biais. Depuis l'accueil dans le dispositif relais jusqu'aux propositions d'orientation lui faisant suite, les différents « moments clefs » du passage par cette instance sont analysés sous le point de vue des uns et des autres et en tenant compte de l'asymétrie des positions de chacun. En effet, si le discours des membres des dispositifs est émaillé de termes évoquant la « collaboration », « l'alliance » (voire le « co-partenariat ») et suppose une certaine égalité dans les rapports avec les parents, ces derniers se trouvent objectivement dominés (par la faiblesse des différents types de capitaux qui les caractérisent majoritairement et par la véritable remise en cause de leur légitimité éducative que les problèmes scolaires de leur enfant ont pu produire) par des acteurs représentant l'institution et assis par son autorité. Ainsi, lorsqu'ils adhèrent et acceptent formellement la prise en charge par le dispositif relais et les règles qui lui sont inhérentes, c'est souvent en n'ayant guère d'autre choix (ils signent souvent « un contrat contraint et contraignant », p.157).

5Cependant, si certaines formes de réticence trouvent à s'exprimer (réticences tenant entre autre à la crainte des parents d'une stigmatisation supplémentaire de leur enfant par son inscription dans un cursus éloigné d'une scolarité « ordinaire »), certains parents expriment à l'occasion de la prise en charge de leur enfant dans un dispositif relais le sentiment de sortir d'une triple impasse : impasse dans les relations intra-familiales (« nous on se prenait la tête, c'était même plus possible », mère citée p. 131) ; impasse institutionnelle (exclusions à répétition) ; impasse sur l'avenir (scolaire, professionnel ou social). Ils peuvent ainsi exprimer un véritable soulagement, ne serait-ce que parce que leur enfant peut à nouveau aller en cours « comme les autres », être occupé (« faire quelque chose » versus « s'ennuyer à la maison » ou, pire « traîner dans la rue »), trouver une place, une affectation institutionnelle (« être casé ») mais aussi parce qu'ils notent une amélioration, une pacification des relations familiales (un des objectifs avoués des membres des dispositifs) ou parce que, rassurés sur l'existence de certaines « qualités » de leur enfant (suite au travail de revalorisation opéré par les membres du dispositif), ils croient à nouveau en un avenir scolaire ou professionnel pour leur enfant. D'autres « catégories d'appréciation positives des familles » sont également pointées par les auteurs et tiennent à certaines particularités du travail fait par les membres des dispositifs relais en direction des familles. Dès l'accueil, puis par la suite, enseignants et travailleurs sociaux mettent en avant les différences par rapport aux institutions scolaires précédemment fréquentées. Ces différences objectives et rapidement perçues par les parents (suivi pédagogique et éducatif personnalisé pouvant entraîner une modification sensible de son comportement vis-à-vis de l'assiduité ou même des apprentissages, rencontres et relations téléphoniques faciles, fréquentes et conviviales avec les membres du dispositif relais) sont à la fois le produit des objectifs explicites des professionnels (afin de transformer le rapport à l'école des familles) et rendues possibles par les conditions particulières d'exercice de leur travail (effectif d'élèves réduit, emploi du temps prenant en compte les temps informels ou formels de rencontre avec les parents, recours aux compétences et aux habitudes professionnelles spécifiques des différents membres...).

6Certaines « catégories d'appréciation négative » sont aussi mises en évidence par les auteurs. Des critiques peuvent être émises par les mêmes parents qui soulignent les aspects positifs du dispositif, mettant à jour « l'ambivalence » du rapport des familles aux dispositifs. Certaines tiennent au fait que les parents peuvent pointer des pratiques des membres du dispositif comme relevant à juste titre de l'imposition de normes (éducatives) ou de l'indiscrétion (en posant des questions sur des dimensions non scolaires, sur la vie de famille, les relations familiales..) ou de l'ingérence . D'autres portent sur l'écart existant entre les pratiques pédagogiques du dispositif et celles d'une scolarité « ordinaire »(durée réduite des temps de cours, formes de travail pédagogique pas toujours lisibles comme telles et pouvant paraître « peu sérieuses ») leur laissant entrevoir la difficulté d'un « rattrapage scolaire » et d'un retour au collège pour leur enfant. C'est sur ce dernier point que d'autres critiques et déceptions sont exprimées par les parents (devant faire le « deuil » des aspirations scolaires ou sociales pour leur enfant ou les reconstruire « à la baisse »).

7Entre « accompagnement ou normalisation », les auteurs ne peuvent trancher tant du point de vue des objectifs et des modalités de pratiques des membres des dispositifs relais vis à vis des familles (frontière ténue entre aide et injonctions, soutien éducatif et imposition d'une norme dominante entre travail sur et travail avec les parents) que du point de vue du vécu des parents (ambivalence de leurs sentiments vis-à-vis de la prise en charge par le dispositif relais oscillant entre reconnaissance et hostilité et ambivalence de leurs pratiques oscillant entre remises de soi et réticences voire « résistances ».)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gaële Henri-Panabière, « Martine Kherroubi, Mathias Millet, Daniel Thin, Classes relais et familles, accompagnement ou normalisation ? », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 01 septembre 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/194 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.194

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Rédacteur

Gaële Henri-Panabière

Gaële Henri-Panabière est ATER en sciences de l'éducation à l'Université Lyon-2.

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Droits d’auteur

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