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Christian de Montlibert, Savoirs à vendre. L'enseignement supérieur et la recherche en danger

Sylvia Faure
Savoirs à vendre
Christian de Montlibert, Savoirs à vendre. L'enseignement supérieur et la recherche en danger, Raisons d'agir, 2004, 141 p., EAN : 9782912107213.
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Texte intégral

1Christian de Montlibert analyse les logiques politiques et économiques à l'œuvre dans les réformes actuelles de l'enseignement supérieur et de la recherche. La réforme « LMD », qui a consisté dans la réorganisation des cycles de formation en Licence (3 ans), Masters - professionnels et de recherche (5 ans) -, et Doctorat (8 ans), la mise en place du système de crédits européens, la redéfinition des activités des universitaires, la réorganisation du fonctionnement et des modes de direction des universités participent d'un grand projet dit « loi d'autonomie des universités », qui implique « l'optimisation des ressources » matérielles et humaines, la « rationalisation » des établissements universitaires et des laboratoires de recherche. La subordination de l'enseignement supérieur et de la recherche à la « demande » du marché en est l'effet le plus immédiat, et cet effet est corrélé à une politique de rapprochement des centres de recherche et des firmes privées et régionales. La recherche connaît dans le même temps une diminution des investissements publics, et voit ses modalités de fonctionnement remises en question, sous prétexte d'une harmonisation européenne elle-même réclamée par l'OCDE et la Banque Mondiale.

2Ce que montre bien Christian de Montlibert, c'est que ces réformes sont conduites selon une logique gestionnaire qui a partie liée avec une conception de l'individu et du social dans laquelle les individus sont considérés comme autant de « sujets », « entreprenants » et « autonomes ». Des termes comme « modernisation », « autonomie », « ouverture sur l'international », « communication », « adaptation », « optimisation de la gestion des ressources humaines », etc., sont donc centraux dans le discours néo-libéral ; il s'agit aussi de faire appel aux « compétences » des individus, à leur « savoir-être », à leur « adaptabilité », à leur capacité à faire face à la « concurrence » (internationalisation de la recherche), etc., par opposition à ce qui est décrit comme des comportements « bureaucratiques » de la part d'universitaires et de chercheurs qui seraient « fermés » aux entreprises privées, « repliés » sur leur laboratoire, pas assez « compétitifs »... Cet enfermement progressif de la pensée dans cette opposition, à la fois rhétorique et idéologique, contribue à imposer l'idée que les « solutions » sont du côté du modèle de l'université américaine, par ailleurs totalement idéalisé par les réformateurs qui n'en analysent ni les difficultés, ni les conditions sociales et historiques de fonctionnement.

3Un tel processus réformateur a au moins le mérite de démontrer que la connaissance, et donc les espaces de production et de diffusion des savoirs savants, sont indispensables à la constitution du « capital informationnel » qui permet aux Etats et aux entreprises (privées et publiques) de maintenir leur puissance (politique, économique) soumise à la concurrence internationale. Christian de Montlibert termine son ouvrage par un plaidoyer pour l'autonomie de la recherche, qui passe par l'octroi de moyens matériels et humains conséquents pour l'enseignement supérieur et pour les laboratoires ; il propose également la création d'un « parlement des Universités et de la recherche » indépendant du Ministère ayant pour mission « de discuter publiquement l'ensemble des problèmes », ainsi qu'au niveau local « le développement de procédures autogestionnaires » (p. 124). Cette conclusion invite finalement au débat collectif pour la mise en œuvre d'un projet alternatif au projet néo-libéral. Elle engage aussi le lecteur à réfléchir aux modalités de persuasion mises en œuvre depuis plusieurs années, pour convaincre que l'université va mal, que les universitaires ne font pas « ce qu'il faut » pour améliorer les taux de réussite des étudiants. En cela, la lecture de l'ouvrage de Christian de Montlibert est particulièrement stimulante.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvia Faure, « Christian de Montlibert, Savoirs à vendre. L'enseignement supérieur et la recherche en danger », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 18 septembre 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/202 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.202

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