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Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles

Delphine Vuattoux
Sociologie des pratiques culturelles
Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, La Découverte, coll. « Repères », 2005, 123 p., EAN : 9782707138989.
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Texte intégral

  • 1 Bourdieu Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, Paris, 1979.

1Philippe Coulangeon, chargé de recherche en sociologie au CNRS, s'est intéressé dans ses travaux à différents aspects du champ culturel, notamment aux musiciens professionnels, objet privilégié de ses recherches. Il a par ailleurs consacré plusieurs articles et ouvrages à la démocratisation de l'accès aux arts et à la distribution sociale des pratiques culturelles. Ici, il se livre à un exercice différent, caractéristiques des ouvrages de la collection « Repères » de la Découverte, qui consiste à présenter de manière synthétique les sociologies des pratiques culturelles. Dans le premier chapitre, il commence par exposer les différentes approches théoriques qui structurent l'analyse des pratiques culturelles dans l'espace social. Il revient en particulier sur le modèle théorique de Pierre Bourdieu exposé dans La Distinction1, ce qui lui permet d'introduire la question de la différenciation sociale des pratiques culturelles, qui traverse ensuite l'ensemble de l'ouvrage.

2Les cinq chapitres suivant sont consacrés à ce que Philippe Coulangeon désigne comme « les principaux domaines d'activités » en termes de pratiques culturelles. Est revendiquée une acception ouverte des «  pratiques culturelles » (qui intègre des activités de semi-loisirs, ainsi que celles liées à l'informatique et aux nouvelles technologies) : cette ouverture rejoint d'une certaine façon la tendance amorcée dans les années quatre-vingt (puis confortée avec le rapport de Jacques Rigaud « Pour une refondation de la politique culturelle », paru en 1996) d'une redéfinition institutionnelle des pratiques culturelles dans le sens de l'élargissement de ce champ, et donc des domaines d'action du Ministère de la culture. Les principaux domaines d'activités qui font donc chacun l'objet d'un chapitre sont : la télévision, la lecture, la musique, les pratiques amateurs et les sorties culturelles. Les chapitres semblent se suivre dans un ordre décroissant, en fonction de l'importance des pratiques en terme de public : la télévision constituerait ainsi la « principale activité de loisir culturel dans le monde occidental », tandis que les sorties culturelles sont identifiées comme des « loisirs d'exception ». S'agissant de chacun de ces domaines d'activités, Philippe Coulangeon en présente les tendances récentes, à partir des résultats des recherches sociologiques dont ils ont fait l'objet, en France principalement, mais aussi, dans le cadre d'une démarche comparative, en Europe et aux Etats-Unis. L'auteur intègre également une brève présentation des approches et des constructions théoriques ainsi que des réflexions méthodologiques qui ont été développées dans chacun de ces « domaines d'activités ». La politique culturelle française est également présentée dans l'ouvrage, en regard des différents aspects sociologiques abordés. Les deux domaines, celui de la recherche concernant les pratiques culturelles des français et celui des politiques publiques de la culture, n'ont en effet cessé de dialoguer, de s'influencer mutuellement depuis l'après-guerre, tout particulièrement en ce qui concerne les sorties culturelles (spectacle vivant, cinéma et musée), alors même que les résultats des enquêtes, notamment quantitatives, dressent aujourd'hui un bilan peu flatteur de la politique culturelle menée depuis quarante ans.

  • 2 Lahire Bernard, La culture des individus, Dissonances culturelles et distinction de soi, La Découve (...)

3L'un des constats principaux qui émane des différents chapitres de l'ouvrage, et qui correspond bien à la thèse générale défendue par Philippe Coulangeon dans ses différents de recherche, est que les individus ne mettent plus en oeuvre (si cela a jamais été le cas) un éventail de pratiques culturelles homogènes en terme de légitimité culturelle, tel que le concept d'habitus développé par Pierre Bourdieu le sous-tendait. Comme le souligne Bernard Lahire, dans La Culture des individus2, celles et ceux qui présentent des pratiques culturelles homogènes sont tout à fait minoritaires. Ainsi, en l'espace de trente ans, est intervenue une modification du rapport à la culture savante : la massification de l'enseignement secondaire a engendré une modification de la morphologie des classes dominantes, qui ne sont dès lors plus composées majoritairement d' « héritiers ». La culture savante des classes dominantes identifiée jusqu'alors à l'institution scolaire y a perdu une partie de son pouvoir symbolique, elle ne relève plus d'une pratique majoritaire au sein des populations à fort capital scolaire et des classes dominantes, qui sont également sous l'influence de la culture de masse. Cela témoignerait, également, d'un « décloisonnement entre l'univers de la culture savante et de la culture populaire » dans le monde institutionnel, même si l'institution scolaire, à défaut d'être le lieu privilégié d'expression de la culture savante, reste encore néanmoins l'espace le plus favorable au développement d'un public potentiel pour les loisirs d'exception que sont les sorties culturelles.

4De reste, en dépit de cette hétérogénéité croissante, la différenciation sociale des pratiques culturelles n'est pas pour autant abolie : ainsi, l'éclectisme des pratiques, par exemple dans le domaine musical, est avant tout une caractéristique propre aux classes dominantes, car elle nécessite des compétences plurielles inégalement distribuées dans l'espace social. D'autre part, Philippe Coulangeon souligne que les frontières symboliques entre les groupes sociaux ne découlent pas nécessairement des objets des pratiques culturelles, mais sont liées avant tout aux attitudes, aux modes d'appréhension de ces objets. Le constat d'hétérogénéité des objets ne remet ainsi pas en cause la théorie de La Distinction de Pierre Bourdieu puisque s'affirme une homogénéité de classe dans la manière de s'approprier des objets culturels. Ainsi, si les pratiques culturelles semblent s'être démocratisées en France, la sociologie de la réception indique que la stratification sociale dans le domaine des pratiques culturelles ne s'en est pas trouvée nécessairement affaiblie, mais seulement transformée. La conclusion de l'ouvrage témoigne d'une prise de position concernant non seulement la sociologie des pratiques culturelles mais aussi les professionnels du monde culturel. Si le messianisme de Malraux n'est, depuis longtemps, plus d'actualité, la question des inégalités d'accès à la culture et de la différenciation sociale des pratiques demeure, pour Philippe Coulangeon, un enjeu fort dans l'espace social.

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Notes

1 Bourdieu Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, Paris, 1979.

2 Lahire Bernard, La culture des individus, Dissonances culturelles et distinction de soi, La Découverte, 2004.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Delphine Vuattoux, « Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 31 août 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/197 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.197

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Rédacteur

Delphine Vuattoux

Delphine Vuattoux est étudiante en DESS Administration de la musique et du spectacle vivant à l'Université d'Evry.

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